Roland Gauthier, spécialiste de la formation continue, écrivain et chevalier des palmes académiques
Si aujourd’hui la formation continue est un domaine tendance, cela n’a pas toujours été le cas. Le blog C-Campus (spécialisé sur la formation en entreprise) parle de presque 14 milliards de chiffres d’affaires pour quasiment 63.000 centres de formation en France. Il est évident de penser, comme je vous l’ai expliqué dans « Slasher ou l’avenir de la génération Z », que le monde du travail évolue. L’un des témoins de ces changements est Roland Gauthier, spécialiste de la formation continue, et chevalier des palmes académiques.
Une encyclopédie vivante…
A 87 ans, vous pourrez toujours croiser Roland Gauthier, le matin, dans les couloirs du Cipecma à Chatelaillon, centre de formation dont il est l’un des premiers formateurs.
En juin 1971, lorsque la loi est votée et mise en application, c’est une incroyable innovation, comme nous l’explique Roland :
« La Formation Continue, c’était une révolution en 71 ! Personne ne savait exactement comment ça allait se passer. L’objet c’était de former, perfectionner professionnellement les salariés des entreprises.
Le Cipecma existait depuis 1965 mais ne faisait à cette époque que la formation du personnel d’encadrement ; il était hébergé par les corps consulaires ou le patronat. Parmi à peine une vingtaine de centres de formation continue qui existaient en France, il était le seul en Poitou-Charentes…
Avec cette loi sur la formation professionnelle continue, les ouvriers et techniciens étaient maintenant concernés. Et pour leur formation, il fallait des bâtiments, des ateliers. C’est ainsi que le Cipecma s’est implanté sur le site de Châtelaillon et a été inauguré en juin 1971, donc en avant-garde pour ce type de formation qui demandait une préparation.
Pour cela il y avait des séminaires ; c’était l’effervescence ; ça bouillonnait de partout ! Pour ma propre formation, je suis allé à l’Université de Nancy où l’on commençait juste à parler des nouveaux statuts de formateur, d’animateur-coordinateur, de pédagogie par objectif… Lorsque je suis revenu au Cipecma, j’avais l’expérience de la formation technique dans l’armée de l’Air et les concepts de la formation professionnelle continue à mettre en application. J’étais prêt !»
Un début de carrière dans l’Armée de l’Air…
C’est bien là que réside tout le secret du sémillant Roland Gauthier : son expérience… Je vous raconte ?
Roland s’est engagé dans l’Armée de l’Air à 22 ans. Il a fait cinq ans au Maroc, puis trois à Dakar au Sénégal, avant de revenir en France. 8 années en Afrique qu’il a presque vécues comme un roman d’aventures des années 50. Il fréquentait des personnes très influentes, y compris dans le milieu de l’espionnage. Sa vie était trépidante.
Son travail consistait à faire la maintenance des appareils émetteurs-récepteurs à l’École des radios-navigants de Fès avec du matériel anglais sur des avions allemands. Nous étions juste après-guerre.
De retour en Métropole en 1960, Roland a eu du mal à se réadapter à la France. Il trouvait tout trop petit après l’immensité de l’Afrique. L’air et l’ambiance de là-bas lui manquaient, peut-être aussi sa palpitante vie… Le ministère de l’Armée en avait décidé autrement, et l’avait muté à Aix-en-Provence (mutation de choix et réellement privilégiée à l’époque). Quelle ne fut pas sa déception, lui qui voulait à nouveau fouler le sol africain…. Il ne le savait pas, mais sa vie prenait déjà le virage qui déterminerait son avenir…
« Comme d’habitude, on donnait aux nouveaux ce qu’on n’aimait pas faire. On m’a donné un chantier qui consistait à remettre en état la partie radio électrique de la base d’Aulnat (à Clermont-Ferrand). Je disposais d’une « Gognio », et d’une équipe. Je devais commander un avion pour la vérification des performances de la station. J’ai passé une nuit blanche pour mettre en état de marche la Gognio et finalement tout s’est bien passé. »
Mais le technicien qu’il était, n’appréciait pas de passer de la technique aux travaux administratifs. C’est alors qu’il est allé passer un brevet supérieur, puis plus tard un cadre de maitrise, à l’École Technique de l’Armée de l’Air à Rochefort où d’ailleurs, il a rencontré son épouse. Elle était jolie, enseignante et aimait l’idée de vivre à Aix-en-Provence.
En 1961, les rapatriés d’Algérie rentrent par milliers en France. Il n’y avait pas assez de place à Aix. La petite enseignante qui faisait battre le cœur de notre beau militaire est mutée sur un poste qu’elle a détesté tout de suite. Elle devait s’occuper d’une classe de 150 élèves avec une collègue. Elle n’en pouvait plus et réussit à se faire réintégrer à Rochefort. Soit Roland perd l’amour de sa vie, soit il la suit. Il opte pour la seconde solution et revient à la base-école de Rochefort.
« A ce moment-là, on commençait à parler des semi-conducteurs. C’était à l’époque ce qui constituait les diodes, les transistors, autrement dit les « éléments discrets ». Aujourd’hui, on est passé à la nanotechnologie. C’était tout nouveau et ce n’était que dans l’armée de l’air qu’on utilisait ça. Il n’y avait pas de bouquin là-dessus, sauf deux livres que j’avais achetés. Il fallait traduire ça en termes pédagogiques… L’école de l’armée de l’air à Rochefort était très en avance sur l’Éducation Nationale. Les inspecteurs venaient voir comment nous faisions. Je faisais cours théorique en salle le matin, et cours pratique l’après-midi, en laboratoire, où j’avais construit des maquettes et expérimenté des montages à partir d’une maigre documentation. C’est à partir de là que j’ai rédigé des livres de cours… »
L’Éducation Nationale pratique maintenant la Pédagogie par Objectif que Roland avait expérimenté dès les années 70. Il avait conçu des fiches de préparation de cours avec objectif de la séance, points-clés du contenu, matériel à utiliser, méthode pédagogique, critère d’évaluation et durée. Ceci à partir des fameuses fiches trois colonnes de l’armée de l’air.
Et puis, après huit ans d’enseignement à l’École Technique de l’Armée de l’Air, Roland a souhaité découvrir le monde civil. C’est comme ça que Roland Gauthier est arrivé au Cipecma en juin 1971.
Une nouvelle vie dans la formation continue…
1974-1975, c’est le choc pétrolier. Une vague sans précédent de demandeurs d’emploi déferle sur le marché de l’emploi. Il fallait former et reclasser ces personnes. Les dossiers étaient gérés par Bruxelles et le Cipecma était payé avec un an de retard, ce qui a créé une situation financière délicate. La Chambre de Commerce de La Rochelle a proposé d’éponger leurs dettes et a donné congés à l’équipe de direction dont Roland faisait partie. Malgré tout, consciente qu’il produisait à lui seul une part importante du chiffre d’affaires, la Chambre est revenue sur le projet de licenciement de Roland.
Quatre ans plus tard, en 1984, elle propose à Roland Gauthier de prendre la direction du Cipecma. En 1989, il créé le CFAI (Centre de Formation des Apprentis de l’Industrie).
1993, il est missionné par le Groupe des Industries Métallurgiques Poitou-Charentes (GIMPC) pour effectuer des enquêtes concernant les besoins des entreprises en matière de recrutement et de formation.
C’est aussi cette année-là, où sont décernées les palmes académiques à Roland Gauthier. Il ne sait toujours pas qui est à l’origine de cette décoration. Peut-être sont-ce des personnes avec qui il travaillait : l’Union Patronale, la Chambre de Commerce, ou peut-être même le Président de l’Industrie Métallurgique pour il effectuait des travaux d’enquêtes. Pour comprendre l’importance qu’a cette distinction, il faut savoir que c’est la plus ancienne et la plus haute qui puisse être conférée dans ce domaine. En effet, c’est le Ministre de l’Éducation Nationale en personne qui l’octroie après recommandation du Conseil de l’Ordre.
1993 c’est aussi l’année du transfert des compétences État/Région concernant la formation. Les Régions sont obligées de mettre en place le PRDF (Plan Régional de Développement de la Formation Professionnelle). Pour ce faire la Région était aidée par les Contrats d’Objectif des branches professionnelles structurées régionalement, donc aussi par le GIMPC animé par Roland.
Après le GIMPC, ce fut le MEDEF pendant trois ans. Il était porteur de trois projets dont « Le management par les compétences » ; projet qu’il met en place au Cipecma à partir de 2003.
Une retraite éminemment active…
Petit à petit, Roland s’aperçoit qu’il aime écrire, qu’il lui fallait écrire : « C’est un réservoir de pensée, un temps de pensée… Écrire autre chose que de la technique… ». C’est comme ça que naissent six ouvrages depuis 2003…
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La poésie au fil du poil (Littérature érotique)
- Le métal perdu (Histoire du monde)
- Le poil, agent de communication (Culture générale)
- Des choses qui interpellent (Culture générale)
- Un coin de Charente (Histoire de France)
- L’étrange Monsieur Marcel (Roman jeunesse)
Il écrit à son bureau, le fruit de tout un tas d’idées sur son ordi. C’était le cas pour son œuvre non éditée sur le thème du poil « Les pouvoirs du poil dans l’Histoire » et dans son premier roman « Métal perdu » entre origine et espionnage ou encore « Un coin de Charente » dont les recherches l’amène à découvrir la vie des néandertaliens, il y a 230 000 ans.
« Un bouquin, c’est bien 2 ans… J’écris par passion, pas pour vendre. Écrire même pour 40 personnes, pour le partage… La langue française est énormément riche de mots. Depuis l’origine, les mots m’ont toujours passionné et parfois je passe beaucoup de temps au choix d’un mot. Huxley disait qu’ils avaient des franges… Et oui, c’est vrai… Et même temps, il y a tout un tas de synonymes pour un même mot, et parmi tous ses synonymes, il y en a un qui va mieux que les autres… Même la consonances, même l’histoire… »
Mais si Roland Gauthier aime écrire, il est aussi un amoureux des femmes ou plutôt de LA femme…
« J’ai constaté que les femmes étaient presque toujours, par leur pouvoir de séduction, l’instrument du destin, la cause des grands évènements de l’Histoire. Souvent, des châteaux ont été construits ou détruits ; des guerres déclarées ou terminées, sous l’influence d’une femme. Cette séduction passe par les cheveux, expression de la sensualité féminine ; ces cheveux que certaines religions demandent de cacher aujourd’hui encore ! »
Ce charmeur impénitent qu’est Roland Gauthier est aussi un amoureux devant l’éternel, car s’il continue de faire du bénévolat et d’écrire, il consacre tous ses après-midis à sa délicieuse épouse qui est atteinte par la maladie d’Alzheimer : « Elle est si gentille… Elle me demande tous les jours si je l’aime toujours. Je suis son pôle maintenant ! Elle serait perdue sans moi… ». Il faut croire que Roland ressemble plus à Huxley qu’il ne le pense lorsque ce dernier écrivait « Le bonheur est un maître exigeant, surtout le bonheur d’autrui… » …