Le courriel constitue une forme de message très populaire dans la conversation amoureuse. Ses possibilités d’émission/réception s’étendent à quelques méga-octets, en général 5 méga-octets. Enorme capacité qu’elle est loin de partager. Son homme n’est pas un adepte de ce genre d’attention. Griser son écran de soliloques intérieurs, émettre des sécrétions d’âme pour signifier son ardeur. Elle passerait des heures accrochée à son appareil s’il se donnait la peine de l’ouvrir.
Bruissement de soupirs alanguis. L’absence de l’aimé. Ce migrateur qui la fait attendre. Elle le rêve.
S’il dort, peut-être verra-t-il une femme venir se blottir contre lui à la recherche de son corps chaud, de ses mains caressantes. La verra-t-il, sans doute, se pendre à ses lèvres, chercher sa langue pour lui dire tous les mots qu’elle voudrait prononcer mais qui ne s’entendent pas.
Qu’il fasse de beaux rêves auprès de cette incertitude, le soir, dans sa couche.
Donna Quichotta, l’illusionniste !
Cherche son Nord, sa partie froide.
Renonce à se consumer dans les vapeurs de la griserie éphémère, feinte, désuète. Ces vapeurs qui n’ont pas de lendemain, celles qui ne tissent rien.
Tente de tricoter,
un pull-over pour les longues soirées d’hiver,
une écharpe pour ne pas dissiper la voix,
un bonnet pour ne pas aliéner la tête,
des gants pour se protéger du froid,
des chaussettes pour ne pas perdre pieds,
un manteau pour se camoufler.
« Taratata, Taratata », une diva parfaite dans l’art de la péroraison de l’amour, en espéranto. Obsolète, périmée, décalée, utopique. Quelle élégance !
Elle ne sait où ses sms atterrissent. La traduction malheureuse. L’autrichien, le slovaque, le hongrois, l’allemand, toutes ces langues qui se mélangent. Si l’espéranto avait survécu ? Elle aurait chassé à cor et à cri. « Taratata, Taratata », c’est l’hallali. La diva est aux abois, encore une mise à mort. Le chasseur ne se contente pas d’une seule proie. Il veut asseoir sa suprématie. La diva baisse les yeux devant tant d’infidélité, s’agenouille à terre, tend son cou. Elle affiche la bravoure du taureau dans l’arène.
Donna s’accroche à son fardeau dans lequel il y a
un carnet,
une trousse,
un porte-cartes,
un porte-feuilles,
une blague,
un trousseau de clés,
un téléphone,
un étui à lunettes,
un agenda,
des mouchoirs.
Liste exhaustive du contenu d’un sac. Le sien. Un cabas à porter. L’épaule se fragilise, elle craint de faire défaut
à l’écriture,
aux cadeaux,
aux nouvelles,
à ses envies,
aux rendez-vous,
à la lecture,
au rhume,
aux portes ouvertes.
Que de contraintes elle s’impose ! Son dos ne tiendra pas. Un jour, elle trouvera celui qui ne la fera pas plier sous le poids du destin. Son Sancho Panza.
Donna plonge dans l’écume d’une larme salée. Epicée d’un grain de solitude, elle poursuit sa quête inlassable de l’amour, enfant de bohème. Le vent se lève.
Coda : Foi belle et sois-toi !
Nous comprendrons vite à la lecture de « L’espèce fabulatrice », essai de Nancy Huston, tisseuse de liens, d’histoires, d’amour, combien lire est une nécessité pour l’Homme. Des romans, des récits. Ils donnent sens au réel. Effets de miroir, d’identité. Eloge de l’imaginaire et de ses pouvoirs.
Couronnée de nombreux prix, Nancy Huston, d’origine canadienne, est écrivaine, essayiste. S’immerger dans ses romans, c’est rendre hommage à son talent à dire les ravissements de l’amour, les beautés de la vie.
« On ne naît pas (un) soi, on le devient. Le soi est une construction, péniblement élaborée. (…) Pour disposer d’un soi, il faut apprendre à fabuler. On l’oublie après, commodément, mais il nous a fallu du temps, et beaucoup d’aide, pour devenir quelqu’un. Il nous a fallu des couches et des couches et des couches d’impressions reliées en histoires. Chansons. Contes. (…) La conscience humaine est une machine fabuleuse… et intrinsèquement fabulatrice. »
L’Espèce fabulatrice, Nancy Huston, Ed. Actes Sud, coll. Un endroit où aller, 2008, 208 p.
Encore de quoi cultiver notre jardin. Se raconter des histoires, des histoires éblouissantes. Des feux d’artifice. En piocher dans les livres. S’identifier, se relier. N’est-ce-pas la nature de l’amoureux(se). Toutes ces rencontres qui nous élèvent, qui nous transcendent. Gardons les portes ouvertes !
Côté accords : la petite règle d’orthographe du mois
Le chapeau chinois ou accent circonflexe est l’union d’un accent aigu et d’un accent grave. Il coiffe à merveille les voyelles a, e, i, o et u.
Malgré la nouvelle réforme de l’orthographe de 1990 qui ne le rend plus obligatoire sur les i et u, il reste fondamental pour :
– conjuguer au passé simple et à l’imparfait du subjonctif.
nous fûmes – nous chantâmes – vous fîtes
qu’il fût – qu’il chantât – qu’il vît
– distinguer certains mots de leurs homophones.
boîte, « récipient »/il boite
dû, de devoir/du (de+le)
jeûne, « abstinence »/jeune
mûr, « mature »/mur
sûr, « certain »/sur
tâche, « travail »/tache, « marque ».
L’idéal pour ne pas faire d’erreurs, le dictionnaire ou quelques phrases à retenir pour se souvenir. J’affectionne particulièrement celle-ci :
« L’accent de cime est tombé dans l’abîme. »
(Fautes d’accent fréquentes, cime et abîme)
Bonne lecture Saint Valentine
Prof et auteure, Véronique Beauvoit nous émerveillera de ses trouvailles : livres (romans, essais, philo…) et revues. Elles seront toutes accompagnées par une petite règle d’orthographe ou de grammaire pour notre plus grand plaisir.
Rédigé par : Véro Beauvoit