Amour : Ne donnez pas son nom, donnez-en tout simplement !
Voici une nouvelle aventure pour moi, un nouveau défi puisque je ne vais pas vous parler de mes voyages et de ces paysages et personnages magnifiques que je croise tout au long de l’année. Non ! Je sors de ma zone de confort. Je me lance. J’improvise.
Aujourd’hui je veux vous parler d’un concept, vieux comme le monde, plus ancien encore qu’Adam et Eve et toutes les aventures qui leur arrivèrent après que Nahash, le serpent malicieux, ait tenté Eve, qui elle-même entraîna Adam dans le pêché, ce qui les vit être expulsés du paradis. Une idée mystérieuse sur laquelle tout a déjà été dit ; une notion à la fois connue et pourtant si mal comprise ; une conception que tous les artistes du monde, quelque soit leur culture, ont essayé de dompter avec plus ou moins de succès ; un symbol unissant l’humanité dans ce qu’elle a de plus grandiose mais aussi parfois de plus abjecte quand de ce mythe il n’y a plus trace.
Mais ne déflorons pas trop vite le sujet. Il est si complexe dans sa simplicité et si simple dans sa complexité. Tout a été dit pourtant à son sujet, tout, mais un tout qui s’apparente à un grand vide, à un rien dont les mystères restent insondables. On dit de lui ou d’elle – a-t-il un sexe d’ailleurs ? – qu’il peut être platonique. Pour beaucoup d’entre nous il est et fut parfois plat, pour d’autres tonique, mais l’association des deux le rend irréel.
Il peut aussi être déchu, bafoué, martyrisé, pulvérisé et dès lors il se détermine par son absence, une absence qui fait vaciller le monde, tourner la Terre à l’envers et s’effondrer tous les châteaux de cartes… et ceux que nous avions bâtis en Espagne. Cette chose noire et vilaine, je ne l’aime pas, je la déteste même, je l’abhorre et je n’ai pas spécialement envie d’en parler, quoique, sans l’un, l’autre existerait-il vraiment ?
Les midinettes en raffolent et dévorent des romans à l’eau de rose qui sentent bon le papier recyclé. Les éperdus sont perdus dans les méandres d’une sentimentalité exacerbée. Les transits sont prêts à en crever de froid pour le décrocher, ce grand et bel olibrius à qui je ne veux pas donner de nom. Ce serait trop facile et c’est justement parce que nous essayons trop souvent de le qualifier que nous oublions de le célébrer pour ce qu’il est : un cadeau, un don, une offrande.
Il lui arrive de mal s’engager, peut-être sur un malentendu, puis de s’épanouir dans un feu d’artifice de sentiments partagés. Il peut aussi bien partir sur les chapeaux de roue et s’écraser en plein vol, contre un mur… Double peine. Rien n’est jamais écrit et tel le feu il faut l’entretenir toute sa vie durant.
Personne n’en a la maîtrise. Nous l’avons, le recevons, le partageons et le donnons sans pouvoir le contrôler. Il est imprévisible et flamboyant. Certains le trouvent dans le près à côté de chez eux comme à la TV, d’autres traversent les océans pour le débusquer à l’autre bout du monde… Je parle en connaissance de cause.
J’en connais certains qui voudraient lui accoler des lois et des règles, universelles bien sûr, pour le régir tel un vulgaire pis-aller sentimental. Foutaise ! Il est incontrôlable et plus vous chercherez à le maîtriser plus il vous glissera entre les doigts et ira se jeter dans les bras du premier venu.
Mais ne nous y trompons pas, il est aussi un danger et une prise de risque totale. Qui ne s’est pas dit un jour: ça ne m’arrivera jamais, je suis plus fort que tout ! Ou alors pas à moi, je ne suis pas fait pour ça ! Et paf ! Le voilà qui vous saute en plein cœur et en pleine gueule. Il vous écrase et vous broie, anéantissant tous vos repères. Vous vous perdez. Vous êtes perdus. Allez ne me dites pas que cela ne vous est jamais arrivé!
Alors pourquoi quand il débarque, soudain, sans crier gare, vous mettez-vous à flotter ? Pourquoi dansez-vous la samba sur votre petit nuage ? Hein? Dite le moi ! Bien sûr, nous le savons tous, le problème survient quand il n’y a pas réciprocité et c’est là que ça fait vraiment mal. Mais restons positifs.
Vous trouvez l’autre mystérieux, mais vous avez peur de le perdre. Vous seriez prêt à vous engager dans l’inconnu avec cet inconnu, mais vous hésitez, puis vous vous lancez sans réfléchir. Voici donc une chose qui le caractérise : le manque de réflexion ou de recul. Non, décidément le désir de la chair et de l’esprit est bien plus fort. Vous tremblez, vous sombrez, vous vous décomposer pour réunir tous les morceaux dans un nouvel être à deux. Soudain vous existez, non pour vous, mais pour l’autre.
J’en ai entendu me dire qu’ils avaient des papillons dans le ventre. Aïe, ca doit être douloureux tout de même… Pauvres bêtes !
Je viens de dire qu’il pouvait être douloureux, ne soyons pas naïfs, et il peut donc vous meurtrir… certains en sont morts d’ailleurs. Pauvres âmes !
Il est aussi synonyme de manque. Celui de l’autre, celui de l’être. Mais pourquoi diable alors tombons nous toujours dans le panneau ? Ah, mesdames et messieurs, il se trouve qu’il a ses raisons que la raison ne connaît point.
J’en vois déjà me cracher au visage que je suis en train de tout mélanger, de tout mettre dans une espèce de pot et de touiller dans l’espoir d’en sortir une définition acceptable. Ceux-là en sont dépourvu et je ne chercherai pas à les convaincre du contraire. Pourtant je n’ai pas cette prétention. Je ne veux, car je ne peux le définir. Je ne veux car je ne peux le nommer, cela serait bien trop réducteur. Mais j’y crois, tel est le paradoxe.
D’aucuns diront qu’il est l’incarnation de Dieu, que dis-je, qu’il est Dieu lui-même. Cela voudrait-il dire que les non-croyants en sont exempts ? Impossible, le monde serait bien triste sans lui, qu’il soit de nature divine ou non.
Alors je me pose simplement la question. N’est-il pas simplement là, qu’on le veuille ou non? N’est-il pas ce IL ou ce ELLE qui peut se réveiller à tout moment ? N’est-il pas la seule chose dont nous disposons à discrétions sans pour autant que nous en soyons propriétaires ? N’est-il pas trivialement l’essence de la vie ? Qu’il soit pure réaction chimique ou magie des sens, il n’en est pas moins un guide, un compagnon, un frère, une sœur, un enfant, un parent… Il est tout et son contraire à la fois. Il est là sans y être. Il est absent dans sa présence et présent en son absence pour peu qu’on veuille lui ouvrir les bras.
Il se reçoit sans condition et se donne sans limite. Si vous n’y prêtez garde, il vous giflera, mais tendez-lui la main, ouvrez-la et partager votre innocence, alors seulement il vous accueillera et vous enrobera de son aura.
Je pourrais vous en parler encore pendant des heures. Je pourrais vous dire qu’il est abnégation, partage, communion, joie, patience, humilité ou encore respect. Je pourrais rajouter qu’il est Eros (désir), Philia (amitié) et Agapè (consacré à autrui). Je pourrais conclure en disant qu’il a été chanté et conté dans toutes les langues du monde, véritable tour de Babel à lui tout seul. Mais surtout sachant bien que vous avez devinez de qui je voulais parler – je ne suis pas si bête – je voulais vous dire que je n’ai pas envie de le nommer, pas aujourd’hui, pas maintenant, car j’ai envie de vous en donner tout simplement.
Nicolas Messner voyage 250 jours/an depuis une vingtaine d’années. Ancien athlète de haut niveau, directeur de « Judo pour la Paix » et photographe, il a fait le tour du monde plusieurs fois. Il nous racontera ses étourdissantes escales…
Rédigé par : Nicolas Messner - http://www.nicolas-messner.com